Qu'est-ce que la vie ?

Les frontières de la vie : évidentes ?

Si l'on vous demandait ce qu'est le vivant, quelle serait votre réponse ? Pour ceux qui ne voient pas vraiment la difficulté de la question, faisons un petit jeu en guise d'introduction. Il est des choses pour lesquelles nous n'avons aucune hésitation : le cheval de gauche est bien vivant, le rocher à droite ne l'est pas. Jusque là ça devrait aller...
 
Cheval noir au galop.           Rochers en bord de mer.
 
Mais entre ces deux extrèmes ? Regardez les photos suivantes...pour vous, ces individus sont-ils tous vivants ?
souris   éponge (spongiaire)   mousse (bryophytes)   végétal
 
Toujours pas de problème ? Mais là, ça se corse...
bactéries E.coli   Corail-cerveau   lichen   moisissures
lichen   virus
 
Pour chaque photo, afin de déterminer si le sujet en question était vivant ou non, vous avez utilisé des critères de discrimination. Ces critères sont ceux qui, selon vous, permettent d'identifier un individu vivant d'un objet non-vivant. Le problème, c'est quand les objets rencontrés changent radicalement de notre représentation habituelle de la vie : quel lien entre le lichen, 'tâche' de couleur sur le rocher, et le cheval ? Pour le coup, le lichen se rapproche plus du rocher et nous serions tenté de le classer en non vivant.
En biologie il faut se méfier des observations et des regroupements établis sur le critère de ressemblance extérieure !

Une définition du vivant

Pour cette raison, la communauté scientifique possède un certain nombre de critères pour définir un individu vivant.
"Un individu vivant est un organisme physico-chimique ouvert sur son environnement." Par exemple, une cellule est entourée d'une membrane qui isole ses éléments internes (organites, génome) du milieu, mais celle-ci permet les échanges avec l'environnement et les autres cellules.
On reconnait un individu vivant par ce qu'il est capable de faire ; pour être 'vivant', un sujet doit présenter les caractéristiques suivantes :
 
Se développer – Se maintenir – Se reproduire
 
Le développement signifie que l'individu évolue, grandit éventuellement en taille ou passe par des stades de maturation successifs pour atteindre un état où il sera capable de se reproduire. De manière évidente, rappelez vous que ce qui est vivant... meurt ! Un caillou peut être détruit,  mais peut aussi se maintenir si rien ne l'altère. En revanche un être vivant finit toujours par mourir, même si les conditions environnementales ne changent pas.
Ex: Le souriceau grandit en taille et ses organes murissent jusqu'à l'age 'adulte'.
Les microorganismes peuvent passer par des stades différents, végétatifs, reproductifs, de résistance...
 
Cycle de développement d'un insecte (dendroctone du pin). PAssage par les stades d'oeuf, de larve, de pupe puis d'adulte (imago)
Développement d'un insecte (dentroctone du pin)
 
Le maintient de l'individu implique des mécanismes particuliers, tels que la réponse à des modifications de son environnement et la mise en place de réponses adaptées.
Ex : la plante peut ouvrir ou fermer ses stomates (petites ouvertures sur la face inférieure des feuilles) selon la température et l'ensoleillement.
La bactérie peut se diriger vers une source de nutriment par chimiotactisme, c'est à dire qu'elle est capable de reconnaître différentes concentrations d'un élément chimique et de se diriger vers sa source en suivant les concentrations de plus en plus élevées.
Un individu, pour se maintenir, a un besoin constant d'énergie. Il est donc limité dans sa croissance puisqu'il est dépendant de l'apport énergétique du milieu.
Ex : les individus photosynthéthiques, dont la source d'énergie est lumineuse. Il y a transformation d'une énergie rayonnante en énergie chimique par l'individu.
Les individus vivants sont caractérisés par leur métabolisme : il y a une consommation et éventuellement un stockage de nutriments prélevés dans le milieu, qui permettent une production de nouveaux éléments, d'énergie et de travail puis un rejet de déchets. Il y a donc une notion importante de couplage énergétique : l'individu est capable de transformer une énergie en une autre.
trois zèbres
 
 
La reproduction est liée à la notion d'un plan interne d'organisation : c'est le génome, les informations génétiques qui constituent le patrimoine génétique. Ces informations sont transmises à la descendance. On apelle cela l'autonomie du monde vivant : chaque individu porte en lui de quoi créer des individus semblables à lui même, et ainsi perpetuer l'espèce.
 
 
 
 
En résumé...
 
En résumé, les mots clés qui caractérisent le vivant, au niveau de ses activités, sont :
développement, maintient, reproduction, métabolisme, adaptation, couplage énergétique, patrimoine génétique, interactions
 
Ce qui caractérise un être vivant finallement, c'est son autonomie : il se développe, se maintient et se reproduit de façon autonome. Un cristal de sel se développe aussi, mais seulement sous certaines conditions physico-chimiques. Un organisme vivant obtient quant-à lui des descendants sur la base de son matériel génétique. Ce plan d'organisation, cet ADN, sont pour lui les clés de l'autonomie !
Bien sûr, c'est facilement compréhensible, cette autonomie a des limites : les échanges avec le milieu, chaque étape de la vie demande de l'énergie. Energie qu'il va falloir récupérer, conserver et défendre coûte que coûte. Chaque organisme vit donc selon un plan d'organisation externe et avec de l'énergie externe.

La cellule : base de la vie

On peut aussi définir le vivant en disant qu'un être est vivant lorsqu'il est constitué d'une ou plusieurs cellules. Pourquoi ? Tout simplement parce que la cellule est considérée comme étant le plus bas niveau d'organisation capable d'accomplir toutes les activités nécessaires à la vie telles que nous venons de les voir. Les unicellulaires comme les bactéries sont constitués d'une cellule unique qui accomplit toutes les fonctions vitales à elle seule. Chez les animaux et les plantes en revanche, les cellules se répartissent les taches et se spécialisent en tissus ou organes.
Si cette définition à le mérite d'être simple, elle est aussi très exclusive. Le virus n'est pas une cellule, mais il contient un génome qui fonctionne selon un code universel commun à tous les êtres vivant ! Vivant ? Inerte ? "Autre chose" ? Ce n'est pas un problème en soi, mais il faut veiller à ne pas être trop radical dans ses définitions, pour être prêt à les faire évoluer et rester le plus proche du "vrai" !

Des limites

Il faut faire attention à ne pas étudier l'individu uniquement dans l'état où il se trouve à l'instant t, mais tenir compte de son évolution temporelle et au sein de son espèce. Un chaton ne se reproduit pas, mais il est vivant ! C'est simplement qu'il n'a pas encore atteint sa maturité sexuelle. Autre exemple, certains unicellulaires peuvent passer par des stades "inertes" où ils restent volontairement isolés de leur environnement. A ce stade, ils présentent peu de caractéristiques propres au vivant ! Il ne faut pas perdre de vue alors que ce n'est qu'un stade...
Les hybrides, par exemple issus du croisement entre un âne et un cheval, sont stériles donc ne se reproduisent pas ; ils sont pourtant vivants ! Il ne suffit pas qu'un critère manque pour rayer l'individu du règne du vivant.
A l'inverse, un individu qui présente l'un des critères n'est pas forcément vivant ! Un virus possède un matériel génétique... mais n'a pas de métabolisme et ne peut se reproduire sans infecter une cellule et profiter de son matériel. Il est donc actuellement classé comme 'non-vivant', même si cela porte à controverse.

Définition : importance et divergences

Les définitions sont essentielles, quels que soient les domaines. Pour pouvoir communiquer et travailler efficacement, il est important de savoir soi-même clairement de quoi l'on parle, et s'assurer que ses collègues ou interlocuteurs partagent la même définition que nous. Dans le cas contraire, il est tout autant important de savoir que vos définitions ne sont pas les mêmes pour éviter les débats stérils et conflits d'opinions !
La définition de la vie telle qu'elle est donnée plus haut n'a aucune prétention de supériorité par rapport à d'autres conceptions sur le vivant. Elle permet aux scientifiques d'établir des classifications, et de poser des concepts qui sont leurs bases de travail. Pour un biologiste, le terme 'vivant' est riche en implications, et sous-entend que l'individu possède certaines propriétés de bases propres aux organismes répondant à notre définition du vivant.
Cette définition n'implique pas qu'elle soit LA vérité ! D'ailleurs, existe-t-il une définition absolue de la vie ? Si quelqu'un décide que les cailloux sont 'vivants' et qu'il apporte des critères établissant sa propre définition de la vie, qui pourra le contredire ?
La vie fait partie de ces axiomes, indémontrables par nature mais non nécessairement vrais, et sur lesquels on se base pour continuer à travailler.
 
Il n'y a donc aucune notion de supériorité ou d'infériorité dans ces définitions, mais uniquement une histoire de réferentiel. Chercher à confronter des points de vue sans tenir compte de ses cadres, ou paradigmes, apporte rarement d'issue constructive.
Pourquoi chercher, par exemple, à créer des conflits entre les convictions religieuses et les concepts scientifiques ? Il ne s'agit ni des mêmes finalités, ni des mêmes définitions. On ne peut comparer et discuter de choses que si elles sont sur le même terrain, ce qui n'est assurément pas le cas ici. Chacun est libre de considérer la vie selon son propre point de vue, il faudra alors nécessairement avoir en tête que la science possède le sien, sur lequel se base les recherches.

Pourquoi classer le vivant ?

Cette volonté d'organiser les espèces et de les regrouper en différentes catégories remonte à loin et se fait selon différents critères. Là aussi, il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises classifications, chacun est libre de classer selon ses critères et l'utilité qu'il en a.
 
Dans un but pratique, les êtres vivants peuvent être classés selon leur intérêt médical, leur toxicité ou dangerosité éventuelle. On regroupait ainsi les plantes médicinales, aromatiques,...
 
Avant de pouvoir utiliser les techniques modernes, les naturalistes ont procédés à des classifications selon des caractères multiples, observables. Dans cette classification traditionelle, les animaux et les plantes sont regroupés selon leur ressemblance (morphologique, physiologique, écologique, nutritionel...) et l'absence ou la présence d'un caractère.
 
La classification phylogénétique tente de retrouver les rapports de proximité évolutive entre les espèces. Un arbre phylogénétique représente ainsi les relations entre les groupes selon des caractères hérités -voir perdus secondairement- à partir d'un ancêtre commun, que l'on peut retrouver par une étude embryologique.
 
Arbre phylogénétique du vivant, représentant les trois grands groupes : bactéries, archéobactéries et eucaryotes.
 
Mais cela ne nous dit toujours pas pourquoi classer ? Le classement, et pas seulement en science, est un moyen d'améliorer notre perception et notre manière de penser. Le fait de regrouper les objets selon leurs similitudes, un ordre logique, chronologique, ou autre nous permet de gérer plus efficacement la grande quantité de données, en ayant une représentation plus simplifiée et ordonnée. La diversité du monde vivant est ainsi mieux appréhendée.
L'appartenance d'une espèce à un groupe donné nous permet immédiatement d'en déduire une foule d'informations sur sa morphologie et son fonctionnement.

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Vivant... ou pas ? Quelques études de cas

Retour sur quelques "cas" non évidents... quand les limites de la vie se font moins nettes !
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