ven, 12/02/2010 - 21:42 par Dom
Pourquoi offre-t-on des oranges aux prisonniers ?
La question
Peut être avez-vous déjà entendu l'adage préconisant d'apporter des oranges aux prisonniers. Fruits juteux et appréciés, les oranges sont pleines de vitamines C et bonne pour la santé. Est-ce simplement pour ces propriétés diététiques qu'elles sont apportées aux prisonniers ?

La réponse
Par une rapide recherche sur internet et un peu de culture générale, plusieurs explications peuvent être trouvées à l'expression "apporter des oranges aux prisonniers". En voici quelques unes:
- En prison, - avant les portiques de détection de métaux - il n'était pas rare que des complices fassent entrer des limes et autres moyens d'évasion. Placés dans un pain, dans un saucisson, ces instruments ne pouvaient être détectés que par un contrôle qui prenait du temps et demandait de détériorer la nourriture en la coupant ou l'ouvrant. Les oranges auraient alors été une nourriture privilégiée des gens honnêtes puisque par leur nature-même (la présence d'une épaisse peau), il n'était pas possible de cacher un objet dedans sans que cela ne se voit par un simple examen visuel.
- Les prisons et cachots d'antan étaient beaucoup moins 'confortables' que les prisons d'aujourd'hui et les prisonniers -à l'instar des marins- souffraient du scorbut: une sévère carence en vitamine C. Chez les marins cette maladie venait du manque de fruit: une denrée rapidement périssable qui ne survivait pas aux longs voyages d'alors. Chez les prisonniers, cette carence pourrait être expliquée par un manque d'une nourriture riche et vitaminé. Quoi qu'il en soit, offrir des oranges, c'est prévenir ces carences et prendre soin du détenu.
Toutes ces explications sont logiques et acceptables, mais rien ne garantit leur véracité. Ce qui est certain en revanche, c'est que l'expression s'est popularisée grâce à un poème!
Tout commence en 1892 durant un défilé des Quat'zarts, les élèves de l'école des Beaux-Arts à Paris. Parmi ces étudiants Marie-Florentine Roger - dite Sarah Brown - et quelques camarades sont accusées de nudité sur la voie publique. Leur dénonciateur ? Nul autre que le sénateur de l'époque Charles Bérenger, dit 'Père-la-pudeur'. Bien qu'il ait inventé la peine avec sursis (peine probatoire et dissuasive de récidive pour les délinquants non dangereux), ce sénateur 'modéré' était aussi un farouche moraliste, détracteur de l'émancipation de la femme et de son droit au plaisir.
Du fait de sa position, un procès fut ouvert où dûrent témoigner de nombreux artistes, le commissaire de polices, des étudiants. Sarah Brown serait en effet apparue dans le cortège de Cléopâtre, vêtue d'une simple résille noire.
C'est en attendant le verdict du jugement de Sarah Brown (cents francs d'amende avec sursis) que le poète Raoul Ponchon écrit ces vers qui donneront naissance à l'expression:
O! Sarah Brown! Si l'on t'emprisonne, pauvre ange,
Le dimanche, j'irai t'apporter des oranges.
Le dimanche, j'irai t'apporter des oranges.

Raoul Ponchon (1848-1937) vous dit quelque chose ? Normal! C'est le poète à l'origine de ces vers bien connu:
Quand mon verre est vide,
Je le plains
Quand mon verre est plein,
Je le vide
En résumé...
L'adage "apporter des oranges aux prisonniers" provient d'une coïncidence: la rime entre ange et orange. Le dicton fut en effet popularisé par un poème critique de Raoul Ponchon à l'égard du procès en 1892 d'une jeune étudiante -Sarah Brown- accusée de nudité sur la voie publique lors d'un défilé des élèves de l'école des Beaux-Arts.
Pour aller plus loin...
- Guide de Paris amoureux, Henri Gault, Christian Millau, page 155
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