Pourquoi le SIDA pose-t-il tant de problèmes ?

Introduction

Sida, VIH, immunodéficience, séropositivité... Ces mots, vous les avez forcément déjà entendu, dans les médias, mais aussi dans les conversations, à l'école, etc... Le Sida -syndrome d'immunodefficience aqcuise- on en parle, et pour cause : cette maladie est aujourd'hui considérée comme une pandémie globale, c'est à dire qu'elle touche un nombre très important de personnes sur de vastes zones géographiques. D'après l'ONUSIDA, depuis le début de l'épidémie, ce seraient 60 millions de personnes qui auraient été touchées par le VIH : l'équivalent de la population française entière ! De même, on estime que le nombre de personnes vivant avec le VIH en 2008 était de 33,4 millions et que deux millions en sont morte cette même année. Si l'Afrique abrite 60% des malades, il n'en reste pas moins que le VIH frappe dans tous les pays, sans distinction d'age ou de milieu.
Après cette petite introduction pas vraiment réjouissante, venons-en au but de cet article : chiffres à l'appui, nous constatons bien que le VIH est, dans la catégorie Virus-vicieux-du-siècle parmis les plus doués, mais savez vous vraiment pourquoi ?
Pourquoi ce virus se répand-t-il à cette vitesse ? Pourquoi notre système immunitaire, pourtant si efficace dans de multiples situations, se fait-il avoir ? Pourquoi ne peut-on pas le guérir ? Pourquoi n'existe-t-il pas de vaccin à ce jour ?

Quelques définitions, pour bien savoir de quoi l'on parle :

icone Le VIH -virus de l'immunodéficience humaine- est le virus responsable de la maladie.
 
icone Le SIDA -syndrome d'immunodéficience acquise- est la maladie, particulièrement le stade final de l'infection par le VIH (les premiers temps étant en général sans symptomes).
 
icone Séropositivité : ce terme désigne qu'un test effectué sur le prélèvement sanguin s'est révélé positif. Lors des dépistages du VIH, il indique que la personne est infectée.
 
icone Immunodéficience : ce terme indique que le système immunitaire est affaibli ou détruit, en tout cas que celui-ci ne remplit plus son rôle de protecteur contre les pathogènes.

Rappel sur les Virus

Virus en latin signifie poison : cette appellation date de la période où le mal était bien constaté, sans que l'on sache en expliquer la cause. De nombreuses maladies virales – rage, variole, grippe- ont éte responsables de ravages au cours de l'histoire de l'humanité. Il était difficile alors d'isoler le facteur responsable de la maladie, puisque contrairement aux bactéries, le virus ne peut pas se "cultiver" et est bien plus petit...
S'il a longtemps été répertorié comme faisant partie du vivant, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Plusieurs raisons à cela: la plus importante, est que le virus est incapable de se multiplier seul – ou avec un autre virus. Pour qu'un virus puisse « se reproduire », il faut impérativement qu'il infecte une cellule et en détourne la machinerie interne à son profit. (pour plus de précisions, consulter cet article)

Qu'est-ce qu'un virus ?

Schéma de virusUn virus est très basique dans sa constitution : c'est une information génétique, sous forme d'un petit bout d'ADN ou d'ARN, englobé dans une capside. Il ne possède ni ribosomes, ni mitochondries, ni quoi que ce soit qui lui permette de lire son information génétique ou de recréer des protéines. Seuls, ils n'ont ni métabolisme ni croissance, ils ne produisent ni ne consomment de l'énergie, etc. Bref, sans cellule à infecter, ce sont de vrais légumes.
 
C'est pour cela qu'il est inutile d'utiliser des antibiotiques dans le cas d'une maladie virale : les antibiotiques sont efficaces envers les cellules car ils viennent bloquer certains mécanismes de la vie cellulaire ou attaquer les membranes. Comme le virus n'en possède pas, il n'est pas affecté !
 
Pour ceux qui auraient besoin d'un petit rappel sur ADN/ARN
la définition exacte se trouve dans le glossaire, mais à titre de comparaison imaginez que l'ADN est la version complète et encombrante des informations : c'est l'encyclopédie, qui se trouve dans le noyau de nos cellules et qui n'en bouge pas.  Dans cette encyclopédie, il y a les plans pour refaire un organisme entier ! Or chaque cellule n'utilise que quelques passages de l'encyclopédie. Si elle a besoin d'une information, elle fait des photocopies : ce sont les ARNm (m pour messagers). Ils sont peu stables et peuvent sortir du noyau pour être utilisés. Dans le cas des virus, soit ils apportent leurs informations sous forme d'un gros livre, soit sous un tas de photocopies et leur comportement sera donc différent une fois dans la cellule à infecter.

Les différents types de virus

Il existe de nombreux types de virus présentant notamment une grande diversité de formes et de taille. Un exemple dont on paVirus à envelopperle beaucoup actuellement est le papillomavirus, pouvant être responsable de certains cancers de l'utérus et transmis lors de rapports sexuels. Alors que le virus du SIDA est stoppé par le préservatif, le papillome -plus petit- passe sans problème la barrière plastique !
Au niveau des formes de la capside, il en existe des hélicoïdales, icosaédriques... certains virus possèdent en outre une enveloppe supplémentaire (cas du virus de la grippe). Ceux qui ne l'ont pas sont qualifiés de nus.
bactériophageLes bactériophages ont une forme particulière et comme leur nom l'indique, sont spécifiques des bactéries ( phagein = manger en grec)
 
La deuxième grande différence entre les virus réside dans leur materiel génétique : certains possèdent un ARN, d'autre un ADN dont dépend leur stratégie de multiplication. Certains ont les deux, c'est le cas par exemple du mimivirus.
 
Le virus responsable du SIDA fait partie des rétrovirus. On dit Rétro (=en arrière), parce que le génome du virus est un ARN et qu'il va devoir le convertir en ADN (ce qui est l'inverse du fonctionnement classique d'une cellule: cette dernière part du 'livre ADN' et en fait des 'photocopies ARN'). Une fois converti, l'ADN du VIH va s'intégrer dans l'ADN de la cellule infectée et lui permettre dans prendre le contrôle.
capside icosaédrique En fait, c'est une technique très fiable et surtout durable : à partir du moment où le VIH a inscrit ses informations dans le Grand Livre de la cellule, elles y restent définitivement et la cellule est littérallement court-circuitée pour n'obéir qu'au virus... L'ARN est aussi moins lourd à emporter qu'un ADN, et il peut muter beaucoup plus facilement pour s'adapter. Que des avantages pour le virus !
Si ce mode de reproduction du virus est particulièrement efficace, le pire est encore à venir...
 
Pour aller plus loin...
Dès son entrée dans la cellule, l'ARN viral subit une transcription inverse via une enzyme particulière, la transcriptase inverse. L'ADN produit intègre ensuite l'ADN cellulaire. L'ADN viral intégré est apellé provirus et ne quitte jamais le génome de la cellule infectée. L'ADN polymérase de la cellule hôte va transcrire le provirus en molécules d'ARN ; ces molécules serviront de matrice à la synthèse des protéines virales ou seront conservées pour constituer les génomes de la nouvelle génération de virus.
 

Le VIH : fiche d'identité

Nom
VIH - Virus de l'immunodéficience humaine 
                                                                                                            
Schéma de la structure du VIH
Caractéristiques
Virus enveloppé ; Glycoprotéines de surface.
Génome : ARN
Possède des transcriptases inverses.
Type de cycle Rétrovirus. L'ARN viral est transformé en ADN avant d'intégrer le génome de la cellule cible.
Type de virus VIH-1 découvert en 1983. Le VIH-2 a été découvert en 1985, son développement est plus lent. La différence entre les deux tient surtout aux glycoprotéines de surface.
Cellules cibles
Les cellules cibles du VIH sont des cellules du système immunitaire portant un marqueur cellulaire, le CD4+ mais touche aussi le cerveau. Les principales cellules concernées sont donc :
 - Lymphocytes T auxiliaires (Récepteur : CD4)
 - Macrophages

 - Cellules cérébrales

 

Mode de fonctionnement... ou la mise en déroute d'un système

1- Pénétration dans la cellule

Comme tous les virus, le VIH doit pénétrer dans une cellule car il a besoin de la machinerie cellulaire pour se multiplier. Rapellez vous, le virus possède les informations nécéssaires pour former d'autres virus, mais ne possède pas les outils pour les fabriquer. Il va donc chercher des cellules à infecter. Et c'est là que ca devient vraiment vicieux...
Pour échapper aux mécanismes de défense, il va se cacher précisément dans les cellules du système immunitaire ! CDessin humoristique sur la stratégue d'envahissement des cellules par le VIH'est bien connu, on oublie souvent de chercher ce qui est sous son nez ; c'est la stratégie utilisée par le VIH pour éviter de se faire détruire. Pour trouver ses victimes, il repère des protéines spéciales qu'elles portent à leur surface, tout comme on reconnait un policier à son uniforme ! Les principales cellules reconnues sont d'abord les Lymphocytes T, et en moindre mesure les macrophages et les cellules dendritiques. Le VIH reconnait leurs protéines, s'y accroche, et pénètre dans la cellule.
 
Pour aller plus loin...
La molécule CD4 est le principal récepteur du VIH sur les lymphocytes T. Il doit aussi trouver d'autres protéines appelées corécépteurs : la fuscine (CXCR4) et le CCR5.
 

2- Transcription inverse

Schéma de l'infection du virus : étape 2
Le VIH est un rétrovirus : il emporte avec lui un bagage génétique sous forme d'ARN (les fameuses photocopies de notre analogie).
 
Une fois dans la cellule, la capside s'ouvre et libère les ARN ainsi que la transcriptase inverse. Cette petite molécule va fabriquer des brins d'ADN à partir de l'ARN viral. C'est pour cela que l'on parle de mécanismes inverses :  normalement dans les cellules, on va en général de l'ADN vers l'ARN.
 
Cet ADN nouvellement formé, appelé provirus, va alors migrer dans le noyau de la cellule pour ne plus jamais le quitter : le VIH prends le contrôle !
 
Schéma de l'infection du virus : étape 3

3- Création des sous-unités

Les gènes du provirus sont ensuite utilisés par les processus normaux de la cellule en fonctionnement : leur information est copiée sous forme d'ARN qui quitte le noyau.
Cet ARN va servir de matrice pour produire les pièces détachées des nouveaux virus : protéines de la capside(3), transcriptase inverse(2) et glycoprotéines de surface(4). Les ARN non utilisés seront emportés par les nouveaux virus en tant que bagage génétique(1).

4- Assemblage

Une fois les éléments crées, il faut les assembler : les protéines de capside s'assemblent pour former une coquille autour des brins d'ARN et des transcriptases inverses.
Entre temps, les glycoprotéines migrent vers la surface de la cellule et se fixent à l'exterieur. Lorsque le virus quittera la cellule, il emmèrea avec lui un bout de la membrane cellulaire avec les glycoprotéines attachées dessus.
 

5- Libération des nouveaux virus

Certains virus fabriquent leurs nouvelles unités dans la cellule, puis la font éclater afin de libérer la nouvelle armada de virus. Le VIH utilise quant à lui un procédé plus élégant : le bourgeonnement. Les petits virus se collent à la paroi cellulaire, pressent et finisssent par sortir en arrachant un bout de membrane. La cellule reste ainsi utilisable plus longtemps pour produire un maximum d'unités, jusqu'au jour où elle mourra d'épuisement... 
 
 
bourgeonnement 1  bourgeonnement 2    
     Bourgeonnement 3    Bourgeonnement 3

6- Arme de destruction massive

Même si le système immunitaire est redoutablement efficace dans un bon nombre de situations, force est de reconnaître que le VIH y a trouvé une faille -pour l'instant du moins-. Sa stratégie est ainsi doublement efficace : d'une part il reste invisible pour la défense immunitaire car il se cache dans ses propres agents, et d'autre part, étant donné qu'il détruit les cellules de l'immunité, il amoindrit les mécanismes de défense et diminue les risques de se faire éliminer. Et comme il agit de manière invisible, il contamine petit à petit les cellules de l'immunité et les détruit les unes après les autres, jusqu'à l'effondrement du système immunitaire. Plutôt que de lutter contre l'armée du système immunitaire, il l'infiltre et l'anéantit littérallement "de l'intérieur" !

Evolution de la maladie

Le Sida est une maladie qui cause la déficience immunitaire : on souffre des effets indirects, à savoir la perte progressive de toute immunité. Une forteresse débarassée de ces gardes devient la cible de toutes les maladies opportunistes !
Dans un premier temps, le système immunitaire réagit et tente de détruire le virus. C'est la première phase, pendant laquelle des symptômes de type grippe peuvent apparaître, témoignage que l'organisme se défend. S'ensuit alors une période "calme" : plus de virus à l'horizon, l'infection semble avoir été maitrisée. Et c'est là que le système imunitaire se trompe : l'armé de VIH n'a pas été éliminée, ses soldats se cachent simplement dans les cellules envoyées précisément pour les détruire ! Pendant une période plus ou moins longue, le corps semble ainsi maitriser l'infection, et c'est une longue phase sans symptômes.
Le stade dit SIDA est atteint lorsque le système immunitaire s'effondre : l'armée des VIH a atteint une telle ampleur que le système immunitaire est sabordé et ne parvient plus à se défendre.
 
Evolution typique après infection par VIH-1
Evolution typique après infection par VIH-1 (d'après l'Université Libre de Bruxelles)
courbe verte : état du système immunitaire (évolution de du taux des lymphocytes T CD4+ de la personne infectée)
courbe rouge : progression du virus (évolution du taux de virus VIH-1 (mesure de son ARN) circulant dans le sang)

Toujours pas de parades aujourd'hui

Il a fallu du temps avant de découvrir cette maladie, puisqu'elle ne présente pas de symptômes particuliers : les personnes infectées déclenchent des maladies opportunistes diverses et variées. Il semblerait que ce virus ait ainsi longtemps sévi sur le continent Africain, et c'est seulement lorsqu'il a atteint nos pays développés que des médecins se sont intéressés à des patients souffrant de maladies dont normalement notre organisme sait se défendre...
Et vous l'aurez compris, les particularités du VIH font que c'est un virus difficile à vaincre. Puisqu'il s'installe dans les cellules du système immunitaire, pour l'éliminer il faudrait détruire ses cellules hôtes et donc mettre le patient dans un état d'immunosupression; c'est à dire sans plus aucun de moyens de défense. C'est un état difficile à gérer car une personne sans système immunitaire est extrèmement fragile !
L'infection est pour l'instant toujours incurable, même si des médicaments permettent aujourd'hui d'améliorer les conditions de vie des malades et de rallonger leur vie. Cependant, ces méthodes restent coûteuses et ne sont pas à la portée de tout le monde. Et comme si ca ne suffisait pas, le VIH est susceptible de muter entre ses cycles de multiplication et de devenir résistant aux médicaments...
Quant au vaccin, son principe repose sur la stimulation du système immunitaire adaptatif, pour permettre de réagir plus vite et plus fort en cas de réelle infection. Or le virus du Sida utilise les cellules immunitaires et les infecte ! Stimuler la production de ces cellules est donc peu pertinent pour freiner l'infection...
Aujourd'hui, un traitement est disponible dans les hopitaux et à pratiquer immédiatement après une conduite à risque, pour tenter d'éliminer le virus dans les tous premiers stades. C'est un traitement d'urgence qui n'est potentiellement efficace que dans les 48h après le rapport à risque ; dans une telle situation, il faut contacter les urgences hospitalières au plus vite.

Bilan

Infection et sabordage du système immuniataire par l'intérieur, mutations... Le VIH possède tous les atouts pour faire parti du top10 des  virus vicieux du siècle. Même si les recherches s'intensifient pour parvenir un jour à soigner cette pandémie mondiale, la meilleure solution reste plus que jamais la prévention et la précaution. Si dans les pays développés, la population est plus ou moins consciente des risques, le nombre de nouvelles infections reste toujours important, et ne parlons pas des pays pauvres où les moyens de communication et de prévention restent très limités. Enfin, n'oublions pas que le SIDA ne cause pas uniquement des désordres physiques, mais aussi des problèmes émotionels, sociaux et économiques. Les discriminations et stigmatisations subies par les malades ne font qu'aggraver ces problèmes ; il est donc important -tout en mettant l'accès sur la prévention et la recherche- d'aider les personnes atteintes du SIDA en leur permettant de rester en bonne santé grâce aux traitements antiviraux, à la lutte contre les maladies opportunistes et à un suivi nutritionel.
 
 
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