Pourquoi est-ce à la mode d'être mince ?

La question

Même si les goûts varient d'une personne à l'autre, force est de constater que les modèles de féminité actuelles sont incarnés par des -jeunes- femmes fines et élancées. Si la jeunesse et la taille ne sont pas des paramètres sur lesquels nous pouvons avoir une influence, avoir et garder une taille de guêpe fait partie de l'obsession féminine, relayée inlassablement par les publicités, modèles de mode et actrices. Pourquoi cette dictature de la minceur ?
Balance

La réponse

Il convient tout d'abord de ne pas mélanger « minceur » et « maigreur », bien que la signification de ces deux termes soit assez subjective. On ne cherche pas à démontrer ici que toutes les personnes minces sont obsédées par leur silhouette, cependant il est clair qu'une taille fine est considérée comme un critère de beauté – ce qui n'a pas toujours été le cas.
 
On avancera déjà que, d'un point de vue médical, il est plus sain d'être mince qu'en état de surcharge pondérale. Certes, l'embonpoint (lorsqu'il n'a pas une cause pathologique ou congénitale) est souvent le reflet d'une alimentation déséquilibrée ou un manque d'activité sportive, deux éléments néfastes à la bonne santé. Mais il ne faut pas s'y tromper, être maigre est loin d'être sain. Carences, fragilités, fatigue... priver son corps du minimum vital est loin d'être une bonne attitude. Quand à l'aspect esthétique, n'avoir que la peau sur les os n'est pas du plus bel effet et il est bien établi que les hommes aiment avoir auprès d'eux une vraie femme - avec des formes.
Comme bien souvent donc, il faut trouver le juste milieu et respecter son corps, sans excès ni privations. Parce qu'après tout, qu'est-ce que la norme ? Y a-t-il une norme universelle ? N'est-ce pas à chacun de trouver "sa" norme, son équilibre, avec lequel il se sente bien ?
 
Dans une génération où l'obésité et l'inactivité chronique touchent de plus en plus de personnes, la motivation médicale est certaine. Les effets néfastes du surpoids sont mis en avant, et une personne « ronde » sera souvent catégorisée de négligée, parce qu'elle n'est pas capable de se prendre en main pour manger sainement et faire du sport. Attention ici aussi, si l'obésité pose des problèmes de santé, les rondeurs non excessives ne sont pas dérangeantes ! Il ne faut pas tout mélanger...
 
Abordons donc ici un deuxième aspect : derrière ce dictat de la minceur se cachent des symboles et des représentations. Une personne mince est vive, légère, gracieuse. Elle est active, soigneuse et se domine puisqu'elle ne cède pas aux tentations alimentaires excessives. La gourmandise, toujours un vilain défaut ? Est-ce que, inconsciemment, une personne mince rassure dans une époque où les changements sont rapides, ce qui nécessite des personnes capables de s'adapter et d'être flexibles ? On essaierait ainsi d'incarner physiquement une attitude générale face à la vie...
Que l'on se sente bien dans un corps mince est une bonne chose, mais quand la maigreur devient le premier critère de beauté chez des jeunes filles, la question est toute autre !
 
Nous avons tendance à oublier qu'il n'en a pas toujours été ainsi. Un regard dans l'histoire ou dans d'autres pays nous montre que la mode est avant tout une histoire de culture et de contexte. Dans les périodes de disettes ou de pauvreté, une personne mince incarne quelqu'un qui souffre de la faim et de la maladie, tandis que des formes généreuses symbolisent la bourgeoisie, ou en tout cas une condition sociale où l'on mange bien à sa faim, voire plus. Une femme ronde va avoir les ressources de porter et de nourrir des enfants, et est solidement bâtie pour affronter les difficultés de la vie.
En Mauritanie et au Niger principalement, les femmes sont gavées dès leur plus jeune âge, car le poids révèle l'état de richesse de la famille et la maturité de la jeune fille. Ainsi, plus une femme sera ronde, plus elle aura de chances de se marier tôt - et avec un bon parti.
 
Nous avons parlé ici du poids et des formes ; mais chaque effet de mode à une histoire et des symboliques: lorsqu'une peau blanche était synonyme de noblesse par opposition aux travailleurs des champs au teint halé, il est aujourd'hui nécessaire de rentrer bronzé de ses vacances pour montrer que l'on a les moyens de se payer des séjours au soleil...
 
Si heureusement il nous reste une part de libre arbitre dans nos goûts et nos choix, l'influence de la société et du contexte sont extrêmement présents dans la mise en place des archétypes. Il est même bien souvent comique de constater à quel point les idéaux basculent dans le temps : quelque chose qui serait du plus mauvais effet à un temps donné peut devenir, quelques décennies plus tard, une effigie et un modèle... Certains mentionneront également que dans toute "mode" il y a une motivation économique, en citant le business qui tourne autour des régimes, des produits amincissants, des coachs nutritionnels... Mais cette raison avancée est-elle la cause ou la conséquence de cette mode ?
 
Pour finir, nous pouvons pointer une dernière composante importante de « l'effet mode » : le groupe. Vous avez l'impression que si vous faites attention à votre ligne, c'est uniquement dans votre propre intérêt ? Tant mieux, c'est le mieux que l'on puisse souhaiter. Mais êtes vous réellement comme vous voudriez être, ou vous interdisez vous certaines choses parce que vous craignez que ce ne soit pas accepté par votre entourage ? L'envie d'appartenir à un groupe ou une mouvance sont souvent plus importants qu'on le croit ! L'envie de correspondre aux standards, d'être désirée et appréciée, de recevoir des compliments... La vraie beauté est intérieure, entend-t-on dire, et c'est sûrement vrai. Reste à voir si ce principe est partagé et appliqué en société...
 
En résumé...
 
Il fut un temps en Europe, et c'est encore le cas dans certains pays africains, où la rondeur était synonyme de richesse et d'opulence, de même que la peau claire en Europe reflétait la bourgeoisie qui n'avait pas à travailler au champ.
Aujourd'hui, les codes changent et la pression sociale est à la mode de la minceur et du teint hâlé. Etre relativement mince est effectivement bon pour la santé, mais nous rappellerons que la maigreur ne l'est pas: carences, fatigues, fragilités en sont les risques.

Pour aller plus loin...

- la psychologie de la mode (Marc-alain Descamps)
Mauritanie, grossir à tout prix (reportage Envoyé spécial, France 2)
- Histoire de la beauté (Georges Vigarello, ed. Seuil 2004)
 
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