Coupable ou pas ? Notre cerveau sait...

Le phénomène

IRM : Imagerie par résonnance magnétique
Une région du cerveau nous serait nécessaire pour émettre des jugements
Il vous est probablement déjà arrivé une fois d'être victime d'un petit accident : un inconnu renverse quelque chose sur vous, vous marche malencontreusement sur le pied... Vous avez alors sans doute accepté les excuses du maladroit et pardonné rapidement. Votre indulgence n'aurait en revanche sans doute pas été la même si ce même inconnu vous avait volontairement écrasé le pied.
Notre attitude face à un même évènement final -un pied douloureux, une veste tachée- dépend donc de l'intention de celui qui le cause. Mais d'où vient cette différence de jugement moral ? Prenons un autre cas plus grave, qui implique la mort d'une personne. D'où vient notre différence de jugement, selon que cette mort soit causée accidentellement par quelqu'un, ou qu'elle soit issue d'un meurtre prémédité, puisqu'au final il y a un mort dans les deux cas ?
 
Des chercheurs ont récemment mis en évidence une petite zone dans le cerveau, qui serait impliquée dans notre capacité d'émmettre des jugements moraux sur les motifs d'une personne. Cette zone, identifiée sous le doux nom de RTPJ -pour right tempoparietal junction- est située un peu au dessus de l'oreille droite. Leur étude a été publiée en mars 2010 dans Proceedings of the National Academy of Sciences.
 

Mais comment les scientifiques sont-ils arrivés à cette découverte ?

Tout d'abord, cela part d'une observation. Les chercheurs remarquent à l'aide d'études sous IRM une petite zone du cerveau qui recoit plus de sang que d'habitude lorsque le patient est ammené à émettre des jugments, et particulièrement des jugements négatifs.
Mais de cette observation, on ne peut pas savoir si c'est l'activité du cette zone du cerveau qui est nécessaire pour émettre un jugement négatif, ou si c'est le fait de faire un tel jugement qui cause une hausse d'activté dans cette région. En d'autres termes, il fallait expliciter le rôle de la RTPJ dans la formulation des jugements moraux.
Le TMS : stimulation magnétique transcranienne
Le TMS permet d'inactiver temporairement une région du cerveau.
Pour étudier le fonctionnement du cerveau il existe un outil très utile, appellé le TMS (pour transcranial magnetic stimulation). Cette technologie utilise un courant magnétique localisé pour inactiver temporairement une régon du cerveau. En effet en biologie, lorsque l'on veut étudier les effets d'une region, d'un organe, d'une protéine, etc. on l'inactive ou on le supprime. En observant les effets de ce manque, on en déduit le rôle de l'élément en question.
Un certain nombre de volontaires, certains soumis au TMS et d'autres non, ont pu lire plusieurs petits scénarios hypothétiques dans lesquels il s'agissait d'une personne A tuant une personne B accidentellement, ou alors d'une personne A tentant de tuer la personne B mais échouait.
Pour tous les sujets testés, les tentatives de meurtres ratées ont été jugées plus graves que les homicides involonatires. Cependant, il a été révélé que les personnes dont la région RTPJ était inactivée avait tendance à être plus indulgents envers les meurtiers préméditants, par rapport aux personnes dont cette région fonctionnait normallement.
Cette étude tend donc à montrer que l'activité de cette zone est nécessaire pour juger correctement les motifs d'une personne.
Il faut toutefois rester conscient que la pratique du TMS peut éventuellement agir en parallèle sur d'autres zones du cerveau, et que l'empoi de cette technique ne garantit pas que la RTPJ soit seule impliquée dans ces processus.

Les implications

Sarah Jane Blakemore (neurologiste de la cognition à l'University college London) attire l'attention sur le fait que "chez les humains, la jonction tempopariétale continue de se développer à l'adolescence et au  delà" et que ces résultats pourraient expliquer les changements dans notre façon de voir le monde qui ont lieu en grandissant.
Emplacement de la jonction tempopariétale droite dans le cerveau
La RTPJ est une petite région située au dessus de l'oreille droite.
 
D'un point de vue médical, cette découverte offre l'espoir de mieux comprendre le syndrome d'aspeger et d'autres formes d'autisme caractérisés selon les psychologues par la difficulté à discerner les intentions d'autrui. C'est ce qu'on apelle dans le jargon médical un déficit de " theory of mind ". Alors que nous sommes capables d'inactiver temporairement la jonction tempopariétale avec le TMS chez des patients sains, les participants autistes sont probablement des individus dont les processus de la "theory of mind" sont naturellement perturbés.
 
Et quid de l'influence culturelle et de l'éducation ? Il est toujours intéressant de se pencher sur la part d'inné et d'acquis dans un comportement. Si cette étude montre qu'une région du cerveau est impliquée dans notre manière d'émettre des jugements "appropriés" sur les intentions d'une personne, elle ne remet pas en question le fait que ce quenous jugeons moralement innaceptable est issu de notre milieu culturel. Après tout, nos expérience et notre éducation contribuent à faconner notre cerveau !
 
sources :
►Young L, Saxe R. et al. Disruption of the right temporoparietal junction with transcranial magnetic stimulation reduces the role of beliefs in moral judgments ( voir) . PNAS mars 2010

►Young L, Saxe R. An FMRI investigation of spontaneous mental state inference for moral judgment. (voir)J Cogn Neurosci. 2009 Jul;21(7):1396-405
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